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3 octobre 2013 4 03 /10 /octobre /2013 02:15

Lever matinal à Rarotonga le mercredi 26 septembre. Après un petit déjeuner somnolent, nous vérifions que le soleil se lève bien, lui aussi, et nous nous préparons au départ non sans avoir laissé quelques livres à notre voisin Daniel qui sur « Ronin » semble en manque de lecture.

Sur une mer aux vagues débridées, nous profitons de la magie des heures qui s’égrènent sous un spi gonflé à pleins poumons. Le soleil est de la partie. Le pilote électronique régule notre allure sur le vent apparent et, comme le plus souvent, le quart se tient confortablement adossé à la grosse défense rebondie bloquée derrière le banc de barre tribord.

Nous voici en route pour la merveilleuse île de Palmerston que nous aurions sans doute ignorée sans l’invitation d'Anne et Alain (Uhambo) à pointer notre étrave vers ce petit paradis maritime et terrestre. Situé à un peu moins de 300 milles de Rarotonga,  Palmerston est un atoll de six miles de long sur quatre de large, une île basse composée d’un lagon aux couleurs radieuses entouré d’une barrière de corail aux passes difficiles. Un des sept motus héberge à lui seul les 60 habitants de l’île. Vingt à cinquante voiliers s’arrêtent ici chaque année. Six mouillages sont postés à l’extérieur de la barrière, particulièrement dangereuse, et, après quelques expériences de franchissement de la passe en annexe, il nous semble raisonnable de conseiller aux visiteurs de recourir au service de transbordement proposé par les pêcheurs locaux. Le bateau d’approvisionnement de Rarotonga ne vient ici que trois à quatre fois par an et l’île mériterait à ce seul titre de figurer dans les pages de « L’atlas des îles abandonnées [1]». La beauté du lagon,  le charme de l’île à proximité de laquelle s'ébrouent les baleines sont à inscrire au registre de nos plus belles escales mais l’hospitalité dont font preuve les habitants de Palmerston dépasse tout ce nous avons pu connaître et fera de ces journées une halte particulièrement mémorable.

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Cette île au destin atypique diffuse une atmosphère et une culture uniques liées à une histoire née à la grande époque de l’exploitation du coprah. Un homme d’affaires tahitien versé dans le commerce maritime rencontra alors le britannique William Marsters qui vivait sur l’île de Penrhyn après avoir fui sa terre natale pour cause de paternités illégitimes. L’homme d’affaires lui offre de s’installer à Palmerston, un atoll aux motus couverts de cocotiers et jusqu’alors inhabité, moyennant l’envoi, une fois par an,  d’un navire chargé de prendre livraison de la production de coprah de l’île. En 1862, William Marsters, de son vrai métier charpentier de marine, élit domicile à Palmerston accompagné de deux femmes polynésiennes de l’île Penrhyn, bientôt suivies d’une troisième épouse. Mais l’ouverture du train du Far-West reliant les deux côtes des Etats Unis bouleverse le modèle économique du commanditaire qui, sans même l’en aviser, abandonne William Marsters à son entreprise.

Loin de se laisser atteindre par ce coup du sort, l’homme de Palmerston, que tous ses descendants appellent respectueusement Father, se fait le géniteur de 26 enfants et le patriarche d’une véritable dynastie. Il édicte le règlement de la vie sur l’île, décrète l’anglais langue officielle, réglemente le mariage, divise le territoire en trois parties égales respectivement destinées aux descendances de ses trois femmes, fait du protestantisme la religion de l’île… sans trop s’attarder sur le paradoxe de ses pratiques polygames.

Toutes les familles actuelles de l’île sont descendantes de William Marsters, à l’exception de deux professeures. L’une d’entre elles, Rose, une jeune britannique d’une trentaine d’années a, elle aussi, une histoire dans l’histoire. Son père, Victor Clark, dont le voilier fit naufrage en 1950, fut sauvé par les habitants de l’île avec lesquels il entretint dès lors des liens très forts. Clark termina ses jours en Grande Bretagne en 2005 après avoir demandé à ses enfants de bien vouloir transférer ses cendres à Palmerston. Sa fille Rose venue en 2011 pour un cours séjour destiné à exécuter les dernières volontés paternelles a depuis deux années a élu domicile sur l’île où elle se consacre à l’enseignement.

Notre séjour se déroule sur fond de tournage de documentaire et nos chemins croisent de temps à autre Régis[2], caméra et trépied au poing, suivi à la perche de Benjamin. Pour plus d’efficacité et de proximité avec la population, tous deux ont quitté le bord de Uhambo pour séjourner à terre.

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                                  Régis et Benjamin devant la petite église et le cimetière

Dès notre arrivée, nous sommes accueillis au mouillage par Edward et David qui se présentent comme nos hôtes ce qui, en langage Palmerstonien, inclut accueil et accompagnement à volonté, réponse à nos demandes et besoins,  invitation aux repas familiaux durant tout le séjour… Ce fut l’occasion de rencontres très touchantes avec Edward et ses deux fils, son frère Simon, leur mère Tuahina ;  Fifty -et, comme souligne Fred, elles ne sont pas cinquante à s’appeler ainsi-, nièce d’Edward, a laissé toute sa famille à Auckland pour venir durant un an s’occuper de sa grand-mère ; le petit John enfin, six ans, cousin de Fifty et dont la maman est actuellement en Nouvelle Zélande, nous séduit tous par sa vivacité et son sourire. L’hospitalité de nos hôtes nous donne l’opportunité  de déguster la cuisine locale -thon dans tous ses états, taros, beignets, riz, poulet rôti, cochon grillé…- complétée des desserts confectionnés par les équipages des trois bateaux Uhambo, Alioth puis l’australien Fury. La société polynésienne est, par excellence, la société du don et du contredon et nous avons cherché en retour à faire plaisir à nos hôtes : bouts, équipement de pêche, matériel scolaire, fruits…

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                                                    Fifty, Tuahina et Anne

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                                              Alexander, Christiane, Cain et John

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                                                 Fred fait la vaisselle chez Edward

Les coraux du lagon sont ici très colorés et abritent une belle faune aquatique, dont des petits requins qui inspirent à Gérard ses premiers frissons Pacifique. Edward, et ses deux fils David et John, viennent un soir pêcher et dîner à bord. Ils dorment tant bien que mal en se protégeant d’une fraîcheur inhabituelle dans le fond de leur barque et dans le carré du bateau avant de repartir le matin, au petit jour,  pour une pêche au thon que Luc n’aurait pas voulu manquer pour un empire.

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                                                          Edward à bord d'Alioth

Une végétation lumineuse faite de cocotiers et d’acajous ombrage un décor qui semble tout droit issu des peintures du Douanier Rousseau. La maison de William Marsters avoisine le pimpant lieu du culte ainsi que le petit cimetière aux tombes blanches dont celles, incontournables, de Father et de Victor Clark. L’école a été récemment reconstruite par Simon, aidé d’Edward et de David. Réussite architecturale, elle accueille 25 élèves de 6 à 18 ans -une pensée pour "nos" CM1 !- sur deux bâtiments et la directrice est fière d’être la seule enseignante de toutes les îles associées à la Nouvelle Zélande, à disposer de l’habilitation à décerner l’équivalent local du baccalauréat. L’an prochain, une de ses élèves partira poursuivre ses études à Auckland.

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                                        Un des deux bâtiments de l'école de Palmerston

                                                    (le second en arrière plan)

Parmi les habitants de l’île, le Maire, Arthur Neale, fait aussi partie des personnalités remarquables. Il est le fils du célèbre Tom Neale qui vécut 27 ans en ermite sur l’île de Suvarov située dans les Cook du Nord et qui relata son expérience dans « An island to oneself ».

On ne peut passer sous silence l’office dominical où nous sommes conviés sous réserve du respect d’un code vestimentaire assez strict : pantalons et chemise blanche pour les hommes, robe et chapeau pour les femmes. Anne emprunte à Tuahina un chapeau de sa confection car sur l’île chaque femme possède ce savoir-faire ancestral. Les joncs tressés sont faits d’extrémité de palmes de cocotier assouplies à l’eau bouillante et au citron. Le fond du chapeau est décoré d’une nacre qui participe à l’élégance et à la curiosité de l’ensemble.

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                                                                A la sortie du temple

En l’absence momentanée du pasteur, une dame âgée préside à la cérémonie et, sur le pas de la porte, accueille avec respect et gratitude les membres de l’assemblée en sonnant un coup de cloche à l’entrée de chaque « fidèle ». La cloche est celle du Thistle, la seule pièce rescapée d’un navire de la Navy qui a fait naufrage sur l’île. Les chants, tour à tour anglais et polynésiens, ne sont pas toujours de la plus grande harmonie mais la puissance des incantations semble vouloir transcender les limites de ce si petit atoll égaré dans l’immense Pacifique.

Dimanche après-midi nous quittons avec émotion ce minuscule havre si merveilleusement éloigné de notre monde. La population a été très touchée de ce que la télévision française s’intéresse à sa destinée.  Nous sentons par ailleurs que chaque arrivée de bateau est pour les habitants une précieuse occasion d’ouverture et de contacts. L’hospitalité polynésienne révèle ici toutes ses racines et ses valeurs et nous sommes infiniment reconnaissants à nos hôtes et à tous les habitants de l’île pour leur gentillesse et leur générosité.

Dimanche après-midi, désireux de profiter d’un vent qui va faiblir rapidement nous précédons le départ de Uhambo qui attend mardi matin la fin du tournage pour rejoindre l’île de Niue où Régis et Benjamin doivent prendre vendredi l’avion hebdomadaire pour Auckland. Faut-il ajouter qu’afin de ne pas laisser Fred et Gérard se morfondre dans l’ennui, nous organisons régulièrement à bord des petits ateliers propres à satisfaire leur besoin d’activité : plomberie, électricité, matelotage, mécanique, informatique et pêche… nous espérons qu’ils nous en savent gré !

Cet article est mis en ligne de l'île de Niue, un des plus petits états du monde que nous avons rejoint mercredi matin et duquel tout l'équipage vous adresse ses amitiés.

 

PS : peu de photos ont pu être mises en ligne compte tenu de la faiblesse de la connexion. Elles figurent sur l'album S5 2 - Cook, Tonga, Fidji

[1] Joli ouvrage de Judith Schalansky publié chez Arthaud

[2] Régis Michel, cinéaste indépendant, tourne un film destiné à Thalassa. En compagnie de son assistant, Benjamin, il a embarqué sur Uhambo à Raiatea afin de rejoindre l’île.

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25 septembre 2013 3 25 /09 /septembre /2013 08:55

                                       P1010300

Trois jours de mer de Raiatea (PF) à Rarotonga (Iles Cook). Trois journées qui nous ont permis de renouer avec les grands airs du Pacifique, ses vents d’est de plus de 30 nœuds, sa grande houle de trois quart arrière, son ciel sombre et ses vagues qui déferlent dans une course poursuite infinie sur l’océan aux eaux violacées.

Du côté de la grande histoire, une fracture profonde s’est creusée entre les actuels archipels de la Polynésie française et ceux des îles Cook pourtant profondément liés par leur géographie volcanique et leur culture polynésienne. Les expéditions de Samuel Wallis (The Dolphin – 1767), de Louis-Antoine de Bougainville (La Boudeuse – 1768) puis de James Cook (L’Endeavour – 1769),  les trois principaux émissaires d’une politique de découverte et de conquête très disputée entre grands états européens, ont en effet, à coup de dés, décidé du sort de ces petites îles éparpillées sur l’immense plateau de jeu géostratégique du Pacifique.

Les îles Cook constituées de 15 îles dispersées sur plus de 1 250 000km² d’océan sont organisées en deux groupes géographiques : les Cook du nord et celles du sud. L'ensemble forme dorénavant un état indépendant associé à la Nouvelle Zélande. La majorité des 20 000 habitants de ce petit état vit sur Rarotonga, l’île principale, située dans le groupe des îles du sud.

Nous parvenons le 21 septembre, jour de printemps, face à Avatiu, le port commercial qui jouxte la capitale des Cook, Avarua. Ce port miniature peut héberger à l’est quatre très petits cargos le long d’une plate-forme où repose une centaine de conteneurs. Une douzaine de bateaux de plaisance s’alignent perpendiculairement au quai sud et un très modeste bateau militaire complète l’ensemble portuaire sur sa façade ouest. Alioth s’immisce sans encombre au milieu de ses congénères en mouillant sur ancre et en frappant des lignes à l’arrière. Le site est assez peu protégé des vents qui restent soutenus avec des rafales à plus de 40 nœuds. Uhambo, amarré à nos côtés, dérape dans la matinée de lundi ce qui lui vaut plusieurs mauvais quarts d’heure à un moment où l’équipage d’Alioth a malheureusement mis pied à terre.

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                                                                    Alioth et Uhambo

Si l’urbanisme local est très décevant, les paysages de l’île sont splendides. Dimanche nous traversons l’île du nord au sud, une belle randonnée qui nous mène au pied du piton basaltique avant de redescendre vers le lagon où la bière locale permet aux hommes de l’équipage de se remettre de l’escapade. Ni bus, ni taxi en cette journée de repos dominical, il faut donc se résoudre à rentrer en auto-stop. Luc et moi, partis par la côte ouest, montons à l’arrière d’un pick-up équipé d’une dizaine d’enfants qui, après une journée de plage, dégustent chips et glaces avec force énergie et barbouillages de figures. Dominique, Fred et Gérard engagés sur la route de la côte est, montent dans le pick-up d’un surfer pour finir leur parcours dans la voiture d’une touriste croisée lors de notre promenade pédestre et que Fred avait mise au défi… de nous ramener en voiture.

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                                                                 Un peu d'altitude

Mardi, les uns vivent sur grand écran le suspens de la Coupe de l’America où Américains et Néo-Zélandais sont à égalité à la vielle de la manche de demain qui qualifiera le vainqueur ; les autres rejoignent lagon et plage de rêve pour un snorkelling agité précédé de la visite d’un jardin tropical enchanteur.

Nous larguons les amarres et levons l’ancre demain mercredi à la première heure pour l’île de Palmerston (280 M), précédés de Uhambo parti aujourd’hui en fin d'après-midi. A son bord le cinéaste Régis Michel va tourner pour Thalassa un reportage sur ce petit îlot de quelques dizaines d’habitants dont nous aurons plaisir à vous compter l’histoire dans notre prochain article.

 

PS : les photos correspondant à cet article figurent dans l’album S5 2 – Cook, Tonga, Fidji

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18 septembre 2013 3 18 /09 /septembre /2013 19:47

Après une mise à l’eau ventée le vendredi matin, nous nous offrons le samedi 14 septembre une jolie traversée pédestre de l’île de Raiatea : un excellent moyen de se dégourdir les jambes et de prendre d’un peu de haut les étendues turquoises des lagons. En fin d’après-midi, nous retrouvons Fred et Gérard arrivés au petit aéroport de Raiatea en compagnie de Benjamin et de Régis qui viennent se joindre à l’équipage de Huambo et dont nous aurons sans doute l’occasion de reparler.

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Derniers travaux et préparatifs sur la journée du dimanche. Le lundi nous croisons Jean-Louis Goutal, ami de notre ami Bernard, qui vient d’arriver au chantier pour hiverner.  Puis nous partons pour le site de Taputapuatea, sur la côte est de l’île, histoire de retrouver les joies de la flottaison et de faire découvrir à nos nouveaux équipiers les puissants vestiges de l’histoire illustre de l’île. « Tapu » signifie « interdit » en polynésien et c’est de lui que vient notre « tabou », né bien loin dans les îles du Pacifique.

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                                                            Sur le bateau de Jean-Louis Goutal

 

Mardi matin, nous bouclons courses et formalités à Uturoa, la « capitale » de Raiatea avant de faire le plein de gas-oil à la station Total où Gérard retrouve l’atmosphère de 40 ans de vie professionnelle. En quelques heures, nous rejoignons Bora-Bora où l’ambiance lune de miel est fortement mise à mal par un gigantesque incendie qui a investi les montagnes de l’île.

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Aujourd’hui mercredi, précédés de Huambo de quelques encâblures, nous quittons définitivement la Polynésie française pour nous diriger plein ouest vers les îles Cook distantes de 550 milles.Vent d'est 15 à 20 noeuds.

Si vous voulez suivre Alioth, mettez le lien suivant dans vos favoris :

http://www.stw.fr/localisation/show-position-bateau.cfm?user_id=29041

d'un simple clic vous serez à bord !

A bientôt !

 

PS : les photos sont sur l'album S5 1 - Polynésie

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13 septembre 2013 5 13 /09 /septembre /2013 02:33

Après un été enchanteur propre à recharger à bloc nos batteries affectives, nous voici de retour dans l'île sacrée de Raiatea avec la satisfaction réitérée de reprendre le voyage à l'endroit même où nous l'avons laissé.

 

C'est le début de la «saison 5» qui devrait mener Alioth des îles de la Société (Polynésie française) à la Nouvelle Zélande en passant par les îles Cook, Tonga et Fidji. Pour ce joli bout de Pacifique, nous aurons le plaisir d'être accompagnés de Fred et Gérard, un mémorable duo «recruté» au pied levé à la fin août (que Catherine et Marie France veuillent bien nous pardonner !) et qui ré-émarge au rôle d'équipage après une contribution déjà très appréciée en Patagonie du sud.

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Au-delà d'une arrivée prévue en terre néo-zélandaise au cours de la première quinzaine de novembre, nous profiterons, dans ce pays que tout le monde s'accorde à dire magnifique, de la venue des enfants de Dominique, puis d'un neveu et d'amis dont nous nous réjouissons qu'ils aient, les uns et les autres, accepté de nous rejoindre aux antipodes.

 

Malgré l'affichage d'une saison qualifiée d'hivernale, le choc thermique fut rude lors de notre arrivée du 6 septembre. Le bateau est à sec et nous vivons au rythme des travaux de chantier. Dominique et Luc, sous une chaleur éprouvante, travaillent intensément et progressent à grands pas: installation validée des nouveaux réas de quille équipés d'un bout de levage tout neuf, rallonge de la chaîne d'ancre (une nouvelle qui ne manquera pas de toucher celles et ceux qui ont vécu en Argentine ou à l'île de Pâques quelques galères de mouillage), installation réussie du calculateur du pilote automatique (avec une pensée pour Catherine et François qui ont bien donné au cours de notre longue période de barre manuelle au travers du Pacifique), le tout complété par les travaux «classiques» : carénage de la coque et ses longues heures de ponçage et de peinture, etc. Autant de choses bien vite énumérées mais lourdement consommatrices d'énergie, de patience et de savoir-faire.

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A l'heure du déjeuner, le petit snack Mimosa joue le rôle de cantine locale en produisant des cuisines délicieuses dont se régalent tant les navigateurs cloués à terre que le personnel du chantier. Je ne devrais pas dire du, mais des chantiers puisque ce sont deux entités séparées qui vivent côte à côte dans le quasi même espace : le Chantier Naval des Iles qui nous accueille et le Raiatea Carénage qui le jouxte. Les équipes concurrentes s'ignorent ou s'affrontent en petites guerres aux allures très gauloises mais, de chaque bord, les services sont de qualité ce qui reste l'essentiel pour les bateaux de passage.

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En fin d'après-midi, nous ne résistons pas à l'appel du lagon. «L'eau est bonne», foi de barfleurais ! Et nager dans l'étendue turquoise, cap sur le gracieux profil de Bora Bora dans la lumière du soleil couchant est un moment de plaisir indicible. Les petits apéros entre bateaux concluent le plus souvent la journée et il est bien agréable d'y retrouver «les anciens» tels Anne et Alain, les Nantais de Uhambo, ou d'y rencontrer des «nouveaux» tels les deux jeunes Tchèques éminemment sympathiques, Pavlina et Petr, qui, sur Perla Alba (un joli nom tout en contraste au pays de la perle noire) s'accordent trois ans pour faire leur tour de monde.

 

La remise à l'eau d’Alioth aura lieu demain matin vendredi. Dimanche prochain, nous attendrons Gérard et Fred sur le tarmac de l'aéroport voisin pour un départ programmé en début de semaine, weather permitting.

 

 

Nous pensons bien à vous tous qui affrontez la rentrée. Nous vous la souhaitons excellente avec une pensée toute particulière pour celles et ceux que nous avons laissés en proie à diverses  préoccupations.

 

Bien pacifiquement

 

Ch pour le team Alioth

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9 juin 2013 7 09 /06 /juin /2013 09:29

Io-ra-na ! (bonjour)

Confrontés malgré nous à la réalité sociologique des voyages de noce de luxe et des forfaits lune de miel d’une Bora-Bora un peu bling-bling à notre goût, nous abrégeons notre séjour dans la célébrissime pour nous diriger à l’ouest vers Maupiti, une île sauvage, qui, à l’extrême opposé de sa voisine, vit de discrétion et d’authenticité. Les abords de l’île sont austères. La passe du lagon, orientée plein sud est exposée aux rudes effets de vent contre courant et les trains de déferlantes s’acharnent à dissuader le visiteur. Une fois entré, l’étroit chenal d’accès au tout petit village-capitale de Vaiea, exige la plus grande vigilance mais nous retrouvons là la chaleur de l’accueil polynésien, si tristement en recul dans les îles livrées au tourisme.

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                                                     Bora Bora et ses hôtels de luxe

 

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                                                            A Maupiti

Mais la fin du séjour approche et malgré le charme du lieu, notre désir de voir les raies manta et -pour certains- de participer à une partie de pêche au harpon, nous reprenons notre route pour l’île de Tahaa via Bora-Bora, où nous faisons halte le temps d’une douche, d’une connexion internet et d’un délicieux dîner, au restaurant le Yacht Club, un havre très apprécié des plaisanciers de passage.

Le lendemain, à Tahaa se profile une rencontre espérée depuis plusieurs mois mais restée longtemps tributaire des aléas de notre navigation. C’est donc avec le plus grand plaisir que nous retrouvons Annick et Michel,  le 31 mai, au ponton de l’hôtel Ibiscus, lieu de leur résidence pour 48h, au sud-est de l’île. Après Sabine et Bernard croisés à Sucre (Bolivie) en mars dernier, Sue et Alan interceptés à Moorea (Iles de la Société) en mai, voici donc notre troisième grande rencontre amicale de la saison, chacune, fruit du hasard heureux des routes qui se croisent à l’autre bout du monde. Un inoubliable dîner de poisson auquel nous sommes aimablement conviés chez Léo, le propriétaire haut en couleurs du lieu, un tour de l’île en 4x4 et une visite d’une exploitation de vanille bio se concluent par quelques milles parcourus à la voile en compagnie d’Annick et de Michel afin de mettre Alioth à l’abri d’un fort vent de secteur est : en voici deux, et pas des plus probables, qui pourront très honnêtement prétendre avoir participé à un tour du monde à la voile !

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                                                 Dans l'exploitation de vanille

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                                                                Circumnavigateurs

Nous achevons notre périple par une visite respectueuse à l’île sacrée de Raiatea. Nous nous dirigeons vers la baie historique d’Opoa où se retrouvaient les pirogues des hauts personnages polynésiens conviés aux grandes cérémonies qui se déroulaient périodiquement au marae* international de Taputapuatea situé à quelques centaines de mètres de là. Choc des cultures, c’est au son des himénés que laissent échapper les portes grandes ouvertes du temple protestant que nous jetons l’ancre en fin de matinée le dimanche 2 juin dans cette toute petite baie qui, à l’époque de notre Moyen Age, accueillait des pirogues venues de milliers de milles (Nouvelles Zélande, Ile de Pâques, Hawaii…) en suivant magnifiquement les « chemins d’étoiles ».

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                                                      Le site de Taputapuatea

Puis il nous faut rejoindre, de l’autre côté de l’île, le Chantier Nautique des Iles sous le Vent pour une sortie de l’eau fixée au mercredi 5 juin. La technique de remorquage par tracteur est une première pour nous et nous devons nos photos de la mise à terre à Catherine et Bernard qui ont sorti leur Cypraea deux jours avant nous. Le long positionnement du bateau sur ber se fait par deux plongeurs qui travaillent en apnée mais nous vivons ce moment dans la plus grande sérénité car l’équipe est de toute évidence très compétente. Nous nous attelons à quatre aux travaux de fin de saison et, comme à l’habitude, Elisabeth, notre fidèle équipière, est loin d’être de reste. La réparation de la commande de guindeau et le changement d’un réa de la quille** relevable s’imposent. Quant au pilote automatique, il semble qu’il soit victime d’une panne de calculateur, pièce qu’il nous faudra ramener de France en septembre prochain.

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Nous laissons Alioth aux bons soins de Cathy qui en assurera le gardiennage, et nous sommes bien impatients de retourner « at home » pour retrouver tous ceux que nous attendons tant.

Nana ! (au-revoir)

PS : petit mot pour dire que nous avons vécu quelques journées de temps médiocre en vue de nous réadapter au climat françias qu'on nous annonce fort perturbé

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*lieu de culte

**un des trois réas de la quille relevable s’est cassé en fin de traversée nous obligeant à naviguer quille basse. Nous avons décidé de remplacer les trois réas en matériau composite par des réas en acier pour éviter que ce problème se reproduise.

 

PS : les photos sont sur S4-9 Iles de la Société

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6 juin 2013 4 06 /06 /juin /2013 02:05

Les éditions Magellan

viennent de publier

« Alioth, du rêve à l’Atlantique sud »

un carnet de voyage réalisé à quatre mains

par Christiane Tincelin, rédaction, et monsieur QQ, dessins et aquarelles.

       http://www.editions-magellan.com/livre/276-alioth-du-reve-a-l-atlantique-sud

 

C’est au départ de Cherbourg, en janvier 2010, après plusieurs années de gestation d’un projet de circumnavigation, que le trio du team Alioth tire les premiers bords d’un périple très attendu.  A l’occasion d’une navigation de quatre mois,  les côtes d’Espagne, de Madère, des Canaries, du Sénégal offrent les premiers dépaysements de l’aventure et la participation à une mission humanitaire auprès de l’association Voiles Sans Frontières.  Puis  la première étape de la traversée Atlantique se joue aux îles du Cap Vert avant une plongée vers le sud qui mène à Salvador de Bahia, capitale historique du Brésil. C’est ce voyage nautique que Christiane Tincelin et son neveu, monsieur QQ, équipier du bord à temps partiel, ont décidé d’évoquer à quatre mains entre dessin et écriture.  L’une est rédactrice du blog www.team-alioth.fr, l’autre, artiste indépendant, vogue entre diverses techniques picturales.   

Les deux auteurs vous invitent à venir à la rencontre de ce tout nouvel Alioth de papier :

 

Le vendredi 21 juin de 18h à 24h

aux éditions Magellan,

34, rue Ramey , 75018 - Paris

où Alioth fêtera sa sortie officielle en compagnie de trois autres ouvrages de sa catégorie.

(Christiane Tincelin)

 

Les samedi 15 et dimanche 16 juin  à Brest

dans le cadre duFestival des Carnets ici & ailleurs

http://www.ici-ailleurs.net

(monsieur QQ)

 

Le 27 juin de 18h à 21h

pour le décrochage de l’exposition

QQ fom 2013

à l’espace One shot

66, rue Renée Boulanger – 75010 Paris

avec présentation des illustrations originales du livre

 (monsieur QQ)

 

Le mardi 25 juin de 17h à 19h

à la librairie La Galerne

148, rue Victor Hugo – Le Havre

(Christiane Tincelin & monsieur QQ)

 

Le samedi 29 juin de 10h30 à 12h30

à la librairie Ryst

 16-22, rue grande rue – Cherbourg

(Christiane Tincelin)

 

Le samedi 20 et le dimanche 21 juillet

au festival du livre « Ancres & Encres »

Fort de la Hougue, 50550 Saint Vaast la Hougue

 

(Christiane Tincelin & monsieur QQ)

Cet ouvrage est le résultat d’affectueuses complicités et je dis personnellement un grand merci :

à Grégoire, l’artiste du bord, et à Jean-Mi, l’architecte de nos deux partitions, avec lesquels j’ai eu tant de plaisir à réaliser ce « travail »,

à André, Armel, Aude, Cécile et Roselyne, mais aussi à Dominique et Luc, pour leurs relectures patientes et leurs conseils précieux avec un coup de chapeau spécial à Armel et Aude qui ont bien voulu effectuer les derniers bouclages tandis que je voguais dans le Pacifique sud,

à Max et Thomas de l’Association Voiles sans Frontières pour l’attention qu’ils ont portée à notre projet,

à Serge, de la Galerne, pour avoir éclairé mon parcours et à Vincent qui m’a généreusement offert son aide,

aux lectrices et lecteurs du blog d’Alioth et aux organisateurs du festival du livre de Saint Vaast la Hougue, pour leurs encouragements.

à Marc, enfin, qui a accueilli notre projet dans sa maison d’édition, et de son double, Titouan, qui fut mon très efficace interlocuteur « en ligne ».

 

                                             Couv-Alioth-dralas-gd.JPG

                                                                                                                    Christiane Tincelin – Juin 2013

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26 mai 2013 7 26 /05 /mai /2013 04:37

Quelques jours de découverte de la très belle île de Moorea, des bains à volonté, une rencontre internationale prévue de longue date avec Sue et Alan, couple anglais ami de nos amis Sabine et Gérard en cours de tour du monde sur leur flambant Oyster « Sulana »,  et nous prenons tous les cinq la direction de Tahiti et du port de Papeete, destination finale de notre traversée.

                                       P1050304

Catherine et François, entre pliage de bagages et nettoyage du bateau s’évadent pour une escapade au cœur de l’île. Tout laisse à penser que, dans quelques mois, ils pourraient bien reprendre le chemin d’une  Polynésie dont ils n’ont que trop peu profité.

Le 14 mai au soir, chassé croisé à l’aéroport de Papeete où Catherine et François disparaissent derrière la porte des départs avant qu’Elisabeth ne sorte, quelques minutes plus tard, le sas des arrivées.  Après la longue et parfois éprouvante traversée du Pacifique, c’est une ambiance grandes vacances qui s’annonce au cœur de l’archipel des Iles de la Société* entre Iles du Vent (Tahiti et Moorea) à l’est et Iles sous le Vent à l’ouest, au programme desquelles Huahine et Maupiti, les authentiques, Bora-Bora, la mythique, Raiatea, la sacrée,  Tahaa, sa belle et sauvage voisine.

Notre découverte de Tahiti se limite dans un premier temps à la ville de Papeete, ses petits restau-roulottes sur le quai, ses yachts ambiance défiscalisation, sa cathédrale très coloniale, son hôtel de ville de style deauvillais, son marché de petits producteurs locaux, son exposition de « tifaifai », les élégantes nappes à dessins botaniques, harmonieuse évolution des « patchworks » enseignés aux Tahitiennes par les premiers colons britanniques.

Avec consternation, nous apprenons à notre arrivée à Papeete la disparition en mer de Jean, le skipper solitaire de Steven, qui avait quitté Valparaiso deux jours avant nous et qui a connu des problèmes de pilote automatique 750 milles avant son arrivée à l’île de Pâques. N’ayant pu réparer, il est reparti et s’est épuisé sous les mauvais coups de vent qui se sont succédés sur cette période. Son bateau a été retrouvé sans personne à bord au large des Gambier et cette nouvelle est un choc dans le petit monde des navigateurs.

A Tahiti, nous retrouvons l’ambiance électorale. Le 17 mai, Gaston Flosse, 81 ans, grand ami de Jacques Chirac (donateur de généreux subsides en échange de la prorogation des essais nucléaires dans le Pacifique sud), un passé sulfureux et plusieurs condamnations à son actif,  retrouve son fauteuil à la présidence de la Polynésie française. Il est membre du parti orange indépendantiste, favorable au rattachement à la France, dont le leader à l’assemblée est son propre gendre Edouard Fritch. Car ici tout est dans la nuance, c’est le parti des autonomistes, les socialistes proches d’Oscar Temaru, le président sortant, qui, sous l’emblème de son  pavillon bleu ciel et blanc, prône une sortie de la Polynésie du giron métropolitain. Au point que Temaru, s’il a perdu les élections le 17 mai, a connu une grande victoire le même jour en réussissant à faire inscrire la Polynésie française sur la liste des pays non autonomes de l’ONU.  A la grande stupeur des votants, il se trouvait à New York le jour des élections. Histoire(s) à suivre…

De la belle Huahine, nous retiendrons le charme d’une petite île qui se refuse à jouer à fond la carte touristique. Là nous achetons poisson et légumes sur le quai, Luc plonge avec les requins gris (pas très impressionnants, paraît-il), nous mouillons dans le sud du lagon dans le cadre idyllique de la baie d’Avea et à l’occasion d’un tour de l’île nous alternons visite des Marae** et snorkeling à la suite d’un déjeuner traditionnel polynésien Chez Tara qui restera un grand souvenir.

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                                           Cuisson dans le four traditionnel "Chez Tara"

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                                                                        Marae

Bora-Bora est un peu l’île de la déception. Si les couleurs du lagon sont plus extraordinaires ici que partout ailleurs, si le tour de l’île à vélo permet de se refaire les mollets sous les hauts sommets de l’île et de découvrir un minuscule musée de jolies maquettes marines, l’envahissement des hôtels de luxe construits sur un modèle standard de paillottes sur pilotis sature l’atmosphère. Le navigateur Alain Gerbault***, ardent défenseur des Polynésiens et farouche combattant du régime imposé par la colonisation française, doit plus que jamais maugréer dans sa tombe de Bora-Bora face aux développements inconsidérés de ce paradis détruit.

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                                                     Maquette du bateau d'Alain Gerbault

                                                     Musée de la marine de Bora-Bora

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Bonne nouvelle, après une longue période de doute, le pied de Dominique s'améliore.

Nos deux dernières semaines seront consacrées aux îles de Maupiti, Tahaa et Raiatea où nous laisserons le bateau au sec avant d’effectuer une escale estivale en métropole du 12 juin au 6 septembre.

Exceptionnellement, grâce au « Yacht Club » de Bora-bora nous avons pu bénéficier d’une bonne connexion : les photos correspondant à cet article sont sur S4-9 Iles de la Société.

Nana !

 

*Nom donné par les premiers occupants britanniques issus d’une Société missionnaire protestante

** Marae : lieu de culte polynésien

***Lire ‘Un paradis se meurt’ d’Alain Gerbault.

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9 mai 2013 4 09 /05 /mai /2013 20:33

En ce tout début du mois de mai, il nous plait bien ce quatrième et dernier segment de notre traversée de Valparaiso à Tahiti : l’approche des 20° de latitude, la perspective de l’alizé du sud-est, la douceur des eaux polynésiennes, tout laisse présager une navigation douce et ensoleillée.

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                                                  Vous avez dit "brothers" ?

Mais Sieur Pacifique, lui, est d’humeur joueuse, voire bagarreuse. Alioth, qui rechigne sans doute à rentrer dans la partie, s’offre un petit caprice de descente de quille, le 1er mai après-midi, à la sortie de l’archipel des Gambier. Le temps est morose et c’est sous  un ciel bas et lourd" et une pluie battante que s’effectuent notre départ et notre première nuit de mer. Durant 48h, nous progressons lentement sous un système de vents très instables, en force et en direction avant que la dépression annoncée sur les Gambier ne nous rattrape. Notre route, d’un peu moins de 900 milles, nous amène grossièrement à laisser les Tuamotu à tribord et les Australes à bâbord.

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                                                       François à la barre.

L’absence de pilote automatique marque à nouveau l’organisation du bord. Nous avons repris notre régime de quart à deux par roulement de quatre heures : François et Luc d’une part, Dominique et Christiane de l’autre. Catherine apporte son appui à la manoeuvre et se met en veille constante et en action fréquente pour assurer le bien être du bord. Elle se fait tour à tour boulangère, cuisinière, ménagère, toutes missions bien ingrates et difficiles à mener par gros temps, mais ô combien appréciées du reste de l’équipage focalisé sur le fonctionnement du bateau. François, en skipper confirmé, apporte une compétence bien utile dans le contexte venté qui nous attend. Dominique ne ménage pas ses heures de barre et d’activité malgré son pied douloureux. Quant à Luc, il est bien souvent mobilisé sur les petits services techniques qui ne manquent pas d’égrener la vie du bord.

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                                    Pommes de terre, taros (beiges) et patate douce (violette) : un délice !

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                    Fruit de l'arbre à pain (qui se mange cuit et a un goût de pomme de terre)

Le 3 mai à midi les choses sérieuses s‘engagent. Le vent monte à 25-30 nœuds. En fin de journée, instruits par les incidents qui ont précédé notre arrivée aux Gambier, nous préparons le bateau pour la nuit : deux ris dans la grand voile et un solent que l’on peut partiellement enrouler en cas d’accélération du vent. La nuit du 4 au 5 mai se fait particulièrement rude et nous ne regretterons pas ces précautions rééditées. A 3h du matin, sous un déluge de pluie, le vent monte à plus de 40 nœuds avec une claque record enregistrée à 46.7 noeuds. Alioth fonce de façon impressionnante dans la nuit noire et dévale les vagues qui déferlent de l’arrière et l’embarquent au lof ou à l’abattée, selon. Hypnotisés par les deux gros yeux rouges des tableaux de bord, nous surveillons assidûment les « compteurs » : angle du vent, cap compas et vitesse du vent pour l’essentiel. La tenue de la barre est difficile par ce vent arrière et cette mer chahutée mais nous nous relayons d’heure en heure et tiendrons le rythme des 25 à 30 nœuds jusqu’à l’arrivée.

La semaine aura été intense : le bateau est puissant, barrer demande concentration et engagement physique et les mouvements désordonnés du bateau accroissent la fatigue. Alors que nous avons la chance d’être cinq à bord, nous avons une pensée toute particulière pour le skipper solitaire de Steven qui, en panne de pilote, a fait 750 milles seul à la barre avant de parvenir à l’île de Pâques ou au couple de Pégase qui a effectué une traversée de l’Atlantique sans pilote. Chapeau ! Mais, d’une certaine manière, nous reconnaissons avoir apprécié ce retour à la navigation de nos jeunes années où seule l’écoute de grande voile enroulée autour de la barre franche nous servait occasionnellement de pilote automatique. Nous avons retrouvé, à cette occasion, un vrai plaisir de la barre que nous négligeons trop souvent par facilité électronique.

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                                                          Le long des côtes de Tahiti

Le 7 mai au matin se dessinent les hauteurs de Tahiti, légèrement voilées par la brume. Le vent est toujours soutenu sous le soleil enfin revenu. Fatigués, mais heureux d’arriver au but, nous laissons Tahiti à bâbord pour rejoindre l’île de Moorea par le nord et arriver vers 16h au mouillage d’entrée de la baie d’Opunohu. Les paysages de la côte sont splendides mais nous sommes rapidement rattrapés par un incident de guindeau qui gâche une arrivée aux allures idylliques dans un mouillage un peu étroit. Le temps d’un diagnostic et d’un essai électrique infructueux, les safrans « touchent » et nous devons remonter d’urgence la chaîne à la main. Vers 17h30 nous sommes correctement mouillés de l’autre côté de la baie en compagnie d’une douzaine de bateaux.

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                                           Splendide mouillage à l'entrée de la baie d'Opunohu

Là, surprise, nous retrouvons le petit catamaran allemand à deux mâts croisé aux îles du Cap Vert puis en Uruguay. IL a changé de propriétaire en cours de chemin mais si la route est longue, le monde, lui, est vraiment petit ! 

Il ne nous reste plus qu’à profiter quelques jours de Moorea avant de rejoindre Papeete d’où Catherine et François croiseront le 14 mai à l’aéroport Elisabeth qui nous rejoint pour quelques semaines de navigation entre les îles. Nous aurons vécu avec eux deux des traversées et des escales particulièrement riches et significatives de notre route qui nous laisseront de grands souvenirs. Quant à Catherine nous lui délivrons un Alioth d’or car, pour une première traversée, elle n’a pas choisi le périple le plus facile et son adaptation aux conditions météo nous a tous impressionnés !

PS : quelques photos sont sur l'album S4-8 Tonique Pacifique

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1 mai 2013 3 01 /05 /mai /2013 23:27

Situé à 1650km au sud-est de Tahiti, l’archipel des Gambier (23°20S – 134°45W) est composé d’un groupe de dix îles cernées d’un losange de corail qui sépare le lagon de l’océan. Contrairement aux Tuamotu voisines, les îles sont élevées et culminent à près de 500m.

Voici encore un territoire au redoutable passé. Les îles peuplées entre le Xème et le XIIème siècles, ont été découvertes en 1797 par un équipage anglais qui donna à l’archipel le nom de l’amiral parrain de l’expédition. En 1834, fut fondée la première mission catholique de l’île qui convertit rapidement l’ensemble de la population. Honoré Laval, le supérieur de la mission, se fit alors le maître de l’archipel et institua une théocratie qui épuisa la population dans un délirant programme de construction de routes et d’édifices religieux (9 chapelles ou églises et une cathédrale !). De 5000 à 6000 habitants la population déclina, jusqu’à ne plus atteindre que 463 âmes au recensement de 1887. Honni, Laval dut s’exiler à Tahiti en 1871. L’annexion par la France fut prononcée en 1881.

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                                                     La cathédrale de Rikitea                                               

Le lendemain de notre arrivée, nous suivons Shag pour rejoindre un mouillage de rêve situé au nord-ouest du lagon : plages de cocotier, baignades, snorkelling, et pêches nocturnes sur le platier situé à l’extérieur de la barrière de corail. Belle récolte des trois pêcheurs du bord : six cigales, un poin-poin (curieux dormeur porteur de gros points sur le dos) et une langouste ! La pêche aurait été un plein succès si Dominique ne s’était cassé un orteil en traversant la lande de terre qui menait au platier. La fracture donne un goût un peu amer aux deux délicieuses cigales pêchées par notre capitaine du moment contraint à une mobilité réduite pour quelques semaines.

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                                                              Cigales et poin-poin

De retour à Rikitea, nous visitons la ferme perlière de Dominique Devaux, située sur la face ouest de l’île, à 5km de Rikitea. Ici, point de taxis mais une épicière qui accepte que sa fille nous conduise à destination ; le retour, lui, se fera en auto-stop : dans ce tout petit univers, la solidarité est de mise et le sens du service semble aller de soi. La visite de la ferme est passionnante. Quelle entreprise peut dans des bâtiments de quelques centaines de m² plantés sur le lagon associer une activité aussi basique que le nettoyage de produits de la mer, un centre chirurgical de haute précision et un laboratoire de joaillerie qui manie des milliers de perles de grande valeur ? Une ferme de production de nacre. Celle de Dominique Devaux est une des quarante entités qui exploitent cette industrie sur l’archipel. Monsieur Wan, chinois propriétaire d’une des îles, exploite à lui seul 50% des 1200 ha mis en concession par les pouvoirs publics et s’est organisé un  business totalement intégré, de la production au réseau de bijouteries. Nous repartons non pas couverts de colliers de perles mais munis d’un kilo de pied de nacre, le korori, produit en abondance par la ferme et offert par le personnel : c’est décidément une industrie où rien ne se perd. Sur le chemin du retour nous ramassons pamplemousses, goyaves, citrons… Ici la nature est généreuse.

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                                                               Bravo les nacres !

Il y aurait encore beaucoup à faire et à voir, mais nous avons décidé de repartir à 15h ce mercredi, sous un ciel pluvieux et plombé, pour éviter le coup de vent qui menace l’archipel en fin de semaine. Nous tenterons de parer sur notre route les déchets atomiques de Mururoa et nous offrirons une ou deux escales, si le temps le permet, avant notre date limite d’arrivée à Papeete fixée au 14 mai. 

A bientôt !

 

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30 avril 2013 2 30 /04 /avril /2013 19:42

Le mercredi 16 avril au matin, après 24h d’un mouillage très venté et chahuté, doublé de problèmes de chaîne d’ancre un peu critiques, nous mettons pied à terre sur la bellissime plage d’Anakena munis d’un programme pascuan qui n’a plus rien de touristique. La météo propice nous incite en effet à partir au plus vite. Après le coup de vent des deux derniers jours, les creux annoncés sont de 4 à 6 mètres, mais les vents de sud-ouest de 20 à 25 nœuds nous promettent une progression rapide sur la route des Gambier. A 10h, Nano, « notre » chauffeur de taxi, nous attend près de la plage avec son pick-up dans lequel nous chargeons sacs, poubelles et bidons. A l’arrivée au village d’Hanga Roa, nous passons à l’Armada pour les incontournables formalités de sortie avant de rejoindre le centre ville. Luc a en charge les courses de fruits et légumes au marché local d’où il ramènera, entre autres, papaye, ananas, taros et patates douces ; Catherine se rend au supermarché, un peu dévalisé à quelques heures de la livraison par voie aérienne de l’après-midi ; François s’approvisionne en empanadas(1) et récupère le linge à la laverie ; Dominique fait le banquier au cash point et s’occupe d’un certain cadeau d’anniversaire tandis que je suis dispensée de courses pour finalisation de la mise en ligne des deux derniers articles du blog. A 12h, missions respectives accomplies, nous nous retrouvons au pick-up. Un regret, celui de n’avoir pu prendre le temps d’une visite au musée Rapa Nui ; une satisfaction, celle de n’être pas venus mouiller devant le minuscule port d’Hanga Roa dont les abords, écumants de déferlantes, semblent réservés à l’expertise des surfeurs. Après une escale à la station essence, super-Nano avec lequel nous échangeons de chaleureux abrazos, nous dépose vers 13h à la plage des cinq Moaïs. La logistique de départ s’organise à bord (rangements, pliage de l’annexe, préparation des voiles…) et à 16h nous quittons la baie d’Anakena, non sans avoir salué le patrouilleur chilien n°41 qui, en attente d’une possibilité de débarquement de ses passagers et de son chargement, semble avoir supervisé avec bienveillance les six voiliers au mouillage durant les 48 dernières heures. Si l’île de Pâques a marqué notre entrée dans la culture Polynésienne, elle signe irrémédiablement notre sortie du Chili. Adios Amigas y Amigos d’America del Sur ! Les rondeurs verdoyantes de Rapa Nui sont baignées de soleil et c’est avec émotion que nous quittons dans une mer agitée ce petit bout de terre qui répondait autrefois au beau nom de Matakiterani : les yeux qui regardent le ciel. Motu Nui, situé sur la côte sud, échappe à notre champ de vision mais nous emportons avec nous la mémoire de l’homme-oiseau qui a donné naissance, sur cet ilot battu par les flots, à une bien étonnante histoire d’œuf de Pâques (2) .

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                                                                Départ de l'île de Pâques

En mer, notre navigation plein Est nous amène à franchir les longitudes à vitesse accélérée et à vivre quelques journées de 25h pour nous maintenir en phase avec monseigneur l’astre solaire. Le samedi 20 avril, se fêtent à bord les 65 ans de François. Une bouteille de pisco sour, son apéritif préféré, rejoint curieusement le bord au bout d’une ligne de pêche et, faute de poisson, un filet de bœuf aux échalotes confites accompagné de ses purées de taro et patate douce et d’un excellent carmenère chilien, précède un gâteau que l’on ne nomme plus tant il fait partie des incontournables de nos repas de fête.

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                                                                         Pêche au pisco

Passées les 36 premières heures au vent appuyé et à la mer confuse, nous retrouvons notre rythme de croisière : vent portant de nord-est sous gennaker ou spi, soleil. 1400 milles nous séparent des îles des Gambier et les vents s’annoncent soutenus sur tout le parcours. A 400 milles de notre destination, le vent monte à 25-30 nœuds. Les nuages s’amoncellent, les risées sont fortes sous les grains et seule Catherine parviendra à distinguer l’île de Pitcairn que nous laissons à bâbord à quelques milles. A la suite de Robinson et Pâques, voici à nouveau une île à la destinée historique singulière puisque c’est ici, sur Pitcairn alors inhabitée, qu’en 1789 se sont réfugiés les révoltés de la Bounty, accompagnés de quelques tahitiennes et tahitiens enrôlés au passage. Bonne affaire pour les Britanniques puisque ces mutins dont le sort aurait été vite réglé en cas de retour au pays, ont offert à bon compte à la mère patrie ce petit bout de territoire au cœur du Pacifique. De nos jours, l’île est habitée d’une cinquantaine de personnes dont deux familles, les Adams et les Young, sont descendantes des marins de la célèbre frégate. Nous saluons les habitants de l’île à la VHF et notre interlocuteur à l’humour très britannique, se désole que le mauvais temps ne nous permette pas de faire halte mais nous invite à nous arrêter lors de notre prochain passage…

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                                                     Mauvais temps dans le Pacifique

Parallèlement à ces conditions météorologiques qui se dégradent, notre pilote déclare forfait et nous nous organisons pour nous relayer à la barre durant les 72h qui nous séparent de l’arrivée. Notre dernière nuit de navigation se solde par un peu de casse à bord… Le moral est égratigné mais le soleil du matin et le profil des Gambier qui se dessine à l’horizon ont vite fait de réjouir l’équipage. En fin de matinée nous franchissons la barre de corail et entrons au paradis : un tiens vaut mieux que deux tu l’auras, l’un est sûr, l’autre ne l’est pas... Une dizaine de bateaux sont au mouillage devant le village de Rikitea (1500 hab), situé sur Mangareva, la principale île de l’archipel. Nous retrouvons Shag mais aussi Cypraea qui part malheureusement le lendemain de notre arrivée. A terre, curieuse sensation que celle de se retrouver face à un gendarme français dans une gendarmerie française pour procéder à notre immigration. Etrangère aux cohortes touristiques, la population accueille les équipages de passage avec des sourires éclatants. Les ressources alimentaires locales sont très limitées mais la baguette du boulanger a le pouvoir de se plier en quatre au fond du panier et de délicieux pamplemousses, laissés à disposition par les autochtones, se ramassent à volonté sous les arbres. La météo annonce un coup de vent pour la fin de la semaine : départ après demain ou lundi, selon...

Amitiés de tout l'équipage

Petits chaussons fourrés au fromage, au jambon ou à la viande.

Dans la tradition pascuane, chaque printemps, des nageurs s’élançaient de la falaise de l’île pour recueillir sur l’ilot de Motu Nui le premier œuf pondu par des oiseaux migrateurs (sternes ou frégates). Le vainqueur conférait au chef de son clan le titre d’homme-oiseau, souverain spirituel de l’île pour un an et représentant de Mak-Maké, le dieu créateur.

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